L’art de dénicher la chanson idéale

  • Auteur : Talia Felber
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Tout le monde sait qu’une chanson populaire peut propulser une campagne publicitaire au sommet. Mais dénicher un morceau instantanément reconnaissable qui intègre le nom de la marque? C’est le rêve absolu en publicité. Et la plus récente campagne de RONA en est peut-être l’exemple parfait.

Pour des raisons linguistiques et culturelles évidentes, le plus grand marché francophone du Canada fonctionne différemment du reste du pays. Un bon concept peut s’exporter partout, mais côté musique, le Québec est indéniablement une société distincte. Peu importe la popularité d’un morceau, l’anglais est souvent mal reçu. Il faut donc travailler avec des spécialistes qui connaissent à fond le paysage musical local. « Dans la plupart des cas, nos clients nous demandent de trouver un équivalent francophone à une chanson anglophone qu’ils ont déjà choisie », explique Pauline Viard, chargée de projet et superviseure musicale chez Music Rights Clearance (MRC). « On arrive toujours à proposer de bonnes alternatives, mais il est parfois difficile de trouver une pièce qui reproduit exactement la même ambiance et le même message. On doit alors se rabattre sur une version instrumentale de la chanson originale. »

Originalité et identité

Mais cette spécificité culturelle et les contraintes qu’elle impose peuvent aussi mener à des trouvailles aussi inattendues que géniales. C’est exactement ce qui s’est produit lorsque RONA, le géant québécois de la rénovation, a confié sa campagne multiplateforme à Sid Lee. En un clin d’œil, My Sharona, le succès de 1979 qui a propulsé le groupe californien The Knack sur la scène internationale, s’est métamorphosé en Mike chez RONA – un jingle irrésistible qui mise sur la reconnaissance instantanée pour célébrer l’expertise des employé·es de RONA.

« L’équipe de Sid Lee est arrivée avec un concept bien défini et même une première version des paroles adaptées », raconte Pauline. « On avait donc une vision très claire du projet : pas une reprise fidèle, mais un clin d’œil amusant et respectueux à une chanson iconique. »

Obtenir les droits d’une chanson est déjà un défi en soi. Mais obtenir l’aval d’un artiste pour une version qui en modifie la langue et le sens? C’était une autre paire de manches. « Ce qui a facilité les choses, c’est qu’on traitait directement avec le groupe, qui a immédiatement adhéré au concept », explique Pauline. « Ils n’avaient aucun problème avec l’approche humoristique, ce qui a rendu le processus beaucoup plus fluide. »

Savoir comment demander

Trouver le bon ton, c’est souvent essentiel. À moins d’embarquer dans le jeu, comme Seal l’a fait dans la publicité surréaliste de Mountain Dew – où il apparaissait en mammifère marin chantant Kiss from a Lime –, de nombreux artistes hésiteraient à voir leur œuvre tournée en dérision. Katie Seline, associée et directrice générale chez MRC, se souvient d’une campagne visant à promouvoir le tourisme à Montréal, Ottawa et Toronto en pleine pandémie, où la diplomatie a été cruciale. « Le client voulait absolument utiliser Escape (The Piña Colada Song), mais on nous avait prévenus que Rupert Holmes n’était probablement pas du genre à apprécier qu’on reprenne son grand succès de manière absurde. On s’attendait à un non catégorique, mais l’agence a rédigé un argumentaire s’adressant directement à M. Holmes, qu’on lui a transmis. Il a été tellement charmé par cette approche personnalisée qu’il a finalement accepté. »

Voilà bien la preuve que savoir à qui demander, c’est une chose. Mais savoir comment le demander, c’est ce qui fait toute la différence.